Objectif zéro passoire énergétique grâce au plan « Rénovons »

Publié le 30/03/17 dans Economie d'énergie


De nombreux acteurs se sont regroupés au sein du mouvement « Rénovons », visant à hisser, parmi les priorités nationales, la fin des passoires énergétiques.

Plus concrètement, l’objectif du « Scénario Rénovons » est d’établir un plan d’envergure pour rénover les logements privés très consommateurs en énergie (plus de 330 kWh/m2/an) et étiquetés énergie F ou G. Ce qui devrait mener à l’éradication des passoires énergétiques, source de précarité.

Plusieurs associations, fondations sociales organismes environnementaux et entreprises œuvrent ensemble pour cette cause, notamment la Fondation Abbé Pierre, le Secours Catholique, le Réseau Action Climat, le groupe Effy et la Fédération Soliha.

Données chiffrées à l’appui

L’idée se base sur la présentation d’une étude chiffrée des « coûts et bénéfices d’un plan de rénovation des passoires énergétiques à l’horizon 2025 ». Une démarche inédite vu le manque de données chiffrées disponibles ou communiquées par les pouvoirs publics.

Cette étude de la situation actuelle de la rénovation énergétique relève d’une importance capitale, étant donné les enjeux. Elle se concentre particulièrement sur les ménages précaires afin d’identifier les facteurs de blocage et les solutions appropriées.

Manque d’efficacité de la loi

Cette dynamique est devenue nécessaire car les objectifs fixés par la Loi de Transition Energétique sont encore loin d’être atteints. Rappelons que cette loi prévoit la fin des passoires énergétiques à l’horizon 2025, avec un quota annuel de 500 000 logements rénovés à partir de 2017 et une réduction de 15 % de la précarité énergétique vers 2020. Or, le rythme actuel est de 288 000 bâtiments rénovés par an, dont le tiers (54 000) concerne les passoires énergétiques.

Il faudra alors encore longtemps pour venir à bout des 7,4 millions de passoires énergétiques qui servent, pour la plupart, de résidences principales aux ménages les plus vulnérables, dont les revenus annuels ne dépassent pas 14 610 € (2012). Ces ménages, au nombre de 2,6 millions, constituent donc près de la moitié des 5,8 millions de foyers concernés par la précarité énergétique.

Revue à la hausse des objectifs annuels

L’éradication des passoires énergétiques d’ici 2025 passe forcément par une augmentation des rénovations à faire chaque année par rapport aux objectifs prévus par la loi. Une augmentation qui appelle un investissement supplémentaire de la part des pouvoirs publics.

L’échéancier du scénario « Rénovons » prévoit :

  • 500 000 rénovations en 2017 ;
  • Une augmentation progressive des rénovations annuelles pour arriver à 980 000 en 2021 ;
  • Suivie d’une diminution afin d’atteindre l’ensemble des passoires énergétiques en 2025.

Objectifs 2025 : toutes les passoires énergétiques seront étiquetées Energie D

Le plan ne retient que les outils les plus efficaces et les plus clairs pour promouvoir les rénovations :

  • les subventions « Habiter mieux » (dont les montants seront augmentés) ;
  • l’Eco-Prêt à Taux Zéro (Eco-PTZ) ;
  • et le Crédit d’Impôts Transition Energétique.

Par ailleurs, les propriétaires bailleurs et les propriétaires occupants bénéficient des mêmes conditions d’accès. Non-plafonnées, les aides sont conditionnées à l’obtention au moins d’un niveau de performance énergétique D.

La finalité du plan est la même que celle du LTECV, à savoir la rénovation intégrale des passoires énergétiques en 2025 pour que les logements soient éligibles à l’étiquette Energie D, et l’atteinte du niveau de performance « rénovation BBC » pour tous les logements en 2050.

36 milliards d’investissements publics

80 milliards d’euros sont à mobiliser pour la concrétisation de ce projet global de rénovations. 36 milliards relèvent de l’investissement public (4 milliards par an, de 2017 à 2025).

D’après les études réalisées, l’Etat récupérera sa mise dès 2043, via les recettes fiscales et économies produites par l’activité et l’amélioration des conditions de vie des ménages. Un retour sur investissement de 26 ans donc et au final, un bénéfice de 1,06 € net pour chaque euro injecté, grâce aux recettes des emplois créés et aux économies en matière de santé. Pour les propriétaires occupants ou bailleurs, le reste à charge devrait être compensé par l’économie sur les factures d’énergie.

Les retombées du programme en chiffres

L’étude détaille ainsi les impacts chiffrés du plan au niveau des ménages, de l’environnement et des emplois :

  • Economie de 5 milliards d’euros par an sur les dépenses énergétiques des foyers (soit une moyenne de 512 €/an/ménage) ;
  • Réduction de 12,5 % des émissions de gaz à effet de serre à partir de 2026 ;
  • Création de 126 000 emplois équivalents temps plein nets entre 2017 et 2025 ;
  • Création de 18 000 emplois sur le long terme une fois le plan de rénovation achevé ;
  • Economie de 758 millions d’euros (dont 666 millions pour la Sécurité Sociale) dans le domaine de la santé.

10 mesures essentielles au plan

Le plan « Rénovons » repose aussi sur l’adoption de 10 mesures essentielles à sa concrétisation, à commencer par la mise en place d’une gouvernance nationale de lutte contre les passoires énergétiques. Ce qui se manifestera par la fusion des ministères de l‘Environnement et du Logement. Le super-ministère travaillera en étroite collaboration avec le ministère de l‘Economie et des Finances.

Plusieurs propositions sont aussi émises pour faire évoluer le cadre réglementaire et augmenter ainsi la performance énergétique des logements :

  • Définir dès aujourd’hui le seuil de performance énergétique visé à long terme ;
  • Tester un levier d’incitation à la rénovation énergétique lors des mutations, en proposant par exemple une modulation des droits de mutation ;
  • Moderniser la réglementation thermique actuelle pour une meilleure compatibilité avec les objectifs de la transition énergétique et les directives de l’Union européenne ;
  • Mettre en place des outils de suivi pour remédier au manque de données chiffrées et avoir ainsi une bonne connaissance de la rénovation des passoires énergétiques.

Optimiser le programme Habiter Mieux

Le collectif souhaite améliorer le programme « Habiter Mieux » afin de démultiplier les nombres de rénovations énergétiques au niveau des ménages les plus vulnérables. Une amélioration qui passe par l’augmentation des budgets du programme, en les sécurisant sur 3 ans, grâce à des leviers de financement plus stables que les quotas carbones et les CEE. Il est aussi possible d’intervenir en premier auprès des ménages les plus vulnérables, quel que soit leur titre (locataires, propriétaires occupants ou copropriétaires occupants).

« Rénovons » milite en outre pour la modulation des subventions selon le niveau de revenu des ménages. Les plus modestes devraient bénéficier d’un système garanti par l’Etat, pour assurer le préfinancement des travaux. Des mécanismes d’ingénierie financière sont aussi à mettre en place pour le reste à charge.

Faciliter l’accès aux aides

Pour mieux inciter les ménages à rénover, il faut une mesure facilitant leur accès aux aides. Ces dernières doivent être stabilisées en étant constituées en grande partie d’une aide nationale, qui sera ensuite complétée par des aides locales.

Le collectif demande par ailleurs qu’une garantie de performance énergétique atteinte soit instituée sur tous les travaux, pour instaurer un climat de confiance entre les professionnels et les ménages. Ce qui favorisera l’engagement des particuliers et des maîtres d’ouvrage, qui sont aujourd’hui plutôt réticents à se lancer dans les chantiers de rénovation énergétique, par manque de garantie sur les travaux.

Le collectif suggère ainsi la constitution de groupements d’artisans, tels que DORéMI (Dispositif Opérationnel de Rénovation énergétique des Maisons Individuelles), qui peuvent réaliser l’intégralité des travaux de rénovation. Une meilleure identification des ménages les plus modestes au niveau local et un renforcement de l‘accompagnement global sont aussi à envisager.

Travail de lobbying auprès des politiques

Certains candidats à l’élection présidentielle ont accueilli favorablement ces propositions, en intégrant désormais dans leur programme les questions de précarités et de passoires énergétiques.

Cependant, le collectif ne fait qu’entamer le travail de lobbying. La majorité des parlementaires ont encore une profonde méconnaissance de ce sujet. C’est pourquoi les acteurs du projet souhaitent cibler les futurs députés et sénateurs (issus des prochaines élections législatives) qui sont à même de parler de ces thèmes et de les diffuser auprès de leurs collègues.

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