Stockage de l’électricité, l’avenir de l’industrie électrique ?

Publié le 30/01/17 dans Economie d'énergie


Techniquement, stocker l’électricité pour une utilisation à grande échelle est difficilement réalisable, une situation qui a d’ailleurs conduit à la mise en place des techniques de production et de distribution de l’électricité. C’est grâce à ces techniques fiables (mais nécessitant des investissements colossaux) que l’industrie électrique a pu se développer. Mais les politiques environnementales qui priorisent les énergies vertes sont sur le point de modifier le contexte. Aujourd’hui, les technologies vertes imposent aux acteurs de ce secteur de stocker l’électricité, mais à quel prix ?

Les contraintes sur la production et la distribution de l’électricité

L’espace

Les contraintes géographiques ont obligé les entrepreneurs de l’industrie électrique à concevoir un système pouvant couvrir de vastes espaces. Le système devait être capable d’assurer la continuité de l’électricité depuis ses nœuds de production jusqu’aux nœuds de consommation. Les acteurs de ce secteur ont ainsi installé des pylônes, des transformateurs et des câbles pour couvrir les besoins des consommateurs en électricité. Ces installations, à l’échelle nationale et continentale, font du réseau électrique la plus grande machine jamais créée par l’homme, même si elle induit aussi des problèmes environnementaux.

Le temps

Le « juste-à-temps » ou J.A.T est une méthode qui existe depuis les années 1980. Il exige la capacité des fournisseurs à produire en tout temps, tout en satisfaisant pleinement les besoins des consommateurs. Cette méthode doit tenir compte des prévisions, notamment des prévisions climatiques.

Dans l’impossibilité de stocker l’électricité, les acteurs de l’industrie électrique ont dû chercher les moyens pour satisfaire les demandes des consommateurs dans les temps. Ils y sont arrivés en stockant non pas l’électricité, mais les éléments qui servent à la produire :

  • Barrage et eau ;
  • Centrale thermique à flamme + fioul, gaz ou charbon ;
  • Turbine à combustion et gaz naturel ;
  • Réacteur et uranium.

Le choix des ressources renouvelables et non-stockables intégrées dans cette technique de production a été fait en tenant compte de leur régularité et de leur coût. A titre d’exemple, les énergies solaire et éolienne ont été écartées du fait de leur coût élevé.

Les solutions de stockage d’énergie

Face aux craintes du réchauffement climatique et des accidents nucléaires, les gouvernements se tournent de plus en plus vers les énergies renouvelables, principalement, l’énergie solaire et éolienne. Ces ressources énergétiques dépendent toutefois des conditions climatiques (saisons, régime des vents…) et de l’alternance du jour et de la nuit. Ainsi, pour bénéficier de l’électricité au moment voulu, il est devenu impératif de stocker les excédents d’énergie.

Quatre familles de technologies sont exploitables pour stocker de l’énergie électrique :

  • l’énergie électrochimique et électrostatique (en utilisant les batteries, les accumulateurs…) ;
  • l’énergie chimique (obtenue à partir de l’hydrogène ou du procédé de méthanisation) ;
  • les énergies thermique et thermochimique (en stockant la chaleur ou le froid, stockage par sorption…) ;
  • l’énergie mécanique, également appelée énergie potentielle ou cinétique (en utilisant un système de stockage par air comprimé ou par pompage, comme les Stations de Transfert d’Energie par Pompage).

Les Stations de Transfert d’Énergie par Pompage ou STEP sont actuellement les seules qui peuvent équilibrer le système de stockage et de redistribution dans l’industrie électrique. Techniquement, on utilise l’électricité pour pomper l’eau jusqu’aux conteneurs de stockage, situés en hauteur. Ce pompage est effectué durant les heures de faible demande (la nuit ou les week-ends). L’eau sera ensuite utilisée pour alimenter les turbines durant les heures de forte demande, comme pour le cas des centrales hydroélectriques.

Mais face au système de rémunération dans l’industrie électrique, cette technique n’est pas encore rentable : les centrales de production sont en effet rémunérées au MWh injecté dans le réseau. Le gain repose sur l’écart entre le prix de l’électricité utilisée pour pomper l’eau jusqu’aux retenues et le prix de vente généré lorsque l’électricité est injectée dans le réseau. D’autant plus qu’entre ces deux opérations, il se produit une perte d’énergie d’environ 25 %. La production d’énergie éolienne et solaire a aussi entrainé une déflation du prix de l’électricité.

Les opérateurs et les investisseurs espèrent que les mécanismes de rémunération de capacité joueront en leur faveur. En attendant, ils effectuent des campagnes pour obtenir une rémunération répondant à la flexibilité des Stations de Transfert d’Énergie par Pompage. Cette rémunération spécifique devrait considérer l’absorption du surplus de production ainsi que la compensation de la déficience des autres technologies.

Transformer les énergies renouvelables en électricité, un investissement coûteux

Les autorités tendent aujourd’hui à maintenir leurs ambitions concernant les ressources renouvelables. Des ambitions qui peuvent conduire à la fermeture des centrales thermiques rejetant des éléments polluants ou des centrales nucléaires méprisées par une partie de la population. Trouver des alternatives de stockage d’énergie devient alors une nécessité, mais cela implique forcément une augmentation des coûts, notamment sur la transformation de ces énergies renouvelables en électricité fiable.

Pour comparaison, 1kW de capacité avec une unité de production thermique est suffisant pour produire 1kW de puissance en continu pendant une journée. Bien sûr, il faudra acheter l’énergie primaire à brûler et s’acquitter des taxes environnementales concernant cette combustion.

Pour la même puissance à produire, mais avec des panneaux photovoltaïques, il faudra 8kW de capacité de production et un accumulateur pouvant stocker jusqu’à 21kW. En effet, ces panneaux donnent à pleine puissance environ 1 000 heures par an, soit le 1/8è de la production utile pour une année (environ 8 760 heures). En d »autres termes, pour que les trois heures d’ensoleillement par jour puissent combler le besoin en électricité sur toute la journée, il faudra stocker suffisamment d’énergie pour tenir durant les 21h restantes.

Le dilemme entre ces deux alternatives est donc de choisir entre l’énorme capacité à installer (1kW contre 8kW + 21 KW) et l’importante économie en énergie primaire à réaliser (d’un côté, trouver des panneaux et des accumulateurs qui peuvent résister 20 ans ou de l’autre côté, alimenter l’installation en gaz pendant 20 ans).

Rendre accessible les technologies de stockage d’énergie

Même si elles sont séduisantes, les économies en énergies primaires restent infimes si on prend en compte le taux d’escompte qui est encore élevé. Comparée au capital à injecter aujourd’hui, l’économie d’énergie réalisée à long terme en utilisant ces technologies reste négligeable, du moins pour des acteurs qui ne pensent qu’à un objectif à court terme.

Une première solution est de faire baisser le taux d’escompte pour mettre en avant les économies d’énergie qu’on peut réaliser. De cette façon, les ménages pourront adopter les ressources renouvelables sans trop dépenser. Une autre alternative consisterait à diminuer le coût en capital des énergies intermittentes, en réduisant le coût d’un système de stockage. Ce prix devrait baisser rapidement grâce aux économies d’échelles et aux effets d’apprentissage, tel qu’on le voit dans toutes les industries de masse.

Stockage de l’électricité, l’espoir se trouve dans le « Power to gas »

Certes, améliorer les techniques pour stocker l’énergie aurait une influence positive sur l’utilisation des énergies intermittentes, mais il n’existe que peu d’alternatives pour y arriver. D’un côté, les emplacements pour des STEP sont encore limités, d’autant plus qu’elles restent moins rentables compte tenu de la réalité du marché actuel. De l’autre côté, produire des batteries revient encore assez cher et nécessite un procédé qui pollue l’environnement.

Actuellement, le « Power to gas » est la seule solution encore fiable pour stocker l’énergie électrique. Le « Power to gas » consiste techniquement à transformer l’excédent d’électricité en hydrogène ou méthane de synthèse. Ces produits, pouvant être entreposés et transportés facilement, se prêtent aussi bien à un usage dans le secteur industriel qu’à un usage domestique.

Le gaz et l’électricité sont souvent concurrents, surtout sur le marché des particuliers. Cependant, lorsqu’ils sont combinés, ils permettent de surmonter le principal problème de non stockabilité de l’électricité : dans ce cas, le gaz est brulé pour produire de l’électricité. La technologie du « power to gas » tend à inverser ce système, ce qui permettra peut-être aux ingénieurs de révolutionner l’industrie électrique. Ce système permettrait aussi aux énergies primaires de trouver une place dans le mix énergétique sans pour autant avoir besoin d’injecter beaucoup de capitaux.

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